Chroniques

par gérard corneloup

Rusalka
opéra d’Antonín Dvořák

Grand Théâtre, Genève
- 21 juin 2013
Rusalka, opéra d’Antonín Dvořák
© gtg | vincent lepresle

Voilà une production qui a fait parler d’elle ! Créée au Salzburger Festspiele où elle choqua profondément les facilement choquables festivaliers, puis à Londres où elle ne fut guère mieux accueillie, elle est aujourd’hui invitée par la première scène helvète dont, en matière d’art lyrique, le public ne passe pas vraiment pour goûter les audaces, novatrices ou provocatrices (ici, les deux mots sont volontiers en osmose). D’autant plus qu’un résumé aussi raccourci qu’incorrect s’accole volontiers à cette production : « Rusalka au bordel ».

Les renifleurs de scandale en sont pour leur frais : la cité de Calvin (mais aussi d’Henri Dunant) fait plutôt bon accueil à un spectacle musicalement et vocalement très bien servi, dont ce formulaire raccourci ne donne qu’un aperçu de la relecture signée Jossi Wieler et Sergio Morabito, ici remontée par Samantha Seymour. Ce n’est d’ailleurs qu’au troisième acte que l’action s’installe vraiment, avec armes et bagages, dans une maison de tolérance, nous faisant toucher la faiblesse de leur conception comme de son déroulement scénique : un manque global de puissance, de cohésion, de personnalité, bref de suivi entre les diverses scènes, intrigues ou événements. Du copier-coller, pour simplifier.

Sommes-nous dans les eaux mystérieuses ou sur une terre citadine, partagée entre les cérémonies toutes empreintes de religiosité, et celles, plus intimes et bourgeoises, du sexe tarifé ? Qui sait… Et l’avalanche des décors ulta-conventionnels de Barbara Ehnes, des laids costumes d’Anja Rabes, de la chorégraphie maigrelette d’Altea Garrido et même de la vidéo chichiteuse de Chris Kondek n’arrange pas les choses. Peut-être le seul lien réside-t-il dans la présence d’un chat, tour à tour peluche que manipulent les dryades péripatéticiennes, gros matou lubrique se jetant sur Rusalka et vrai chat blanc qui ronronne sur les genoux de l’entraineuse…

Restent, par bonheur, musique et voix.
Dmitri Jurowski élabore une direction aussi attentive que lyrique, aussi experte à modeler l’Orchestre de la Suisse Romande qu’à tirer le meilleur d’une distribution bien choisie comme de l’excellent Chœur du Grand Théâtre de Genève qui, il est vrai, n’a pas le premier rôle dans cet ouvrage. Cette lecture rend justice aux beautés, à la puissance évocatrice et à l’harmonie richement bâtie de la partition.

Dans le rôle-titre, Camilla Nylund développe musicalité et expressivité vocale, sinon dramatique. En revanche, malgré quelques fêlures vénielles en fin de parcours, le ténor Ladislav Elgr (Prince) associe un chant posé et bien modulé à une avantageuse présence dramatique. On peut en dire autant de l’excellente prestation vocale d’Alexeï Tikhomirov (Ondin) et de Birgit Remmert (Jezibala), peu gâtée par les metteurs en scène, des beautés vocales bien conduites du jeune mezzo français Lamia Beuque dans le rôle travesti du Marmiton, de la richesse du timbre de Nadia Krasteva (Princesse étrangère), mais encore saluer les prestations du ténor Hubert Francis (Garde-chasse), de la basse Khachik Matevosyan (Chasseur), sans oublier les trois ondines d’Elisa Cenni, Stephanie Lauricella et Cornelia Oncioiu.

GC